En Bourgogne, trouver les cultures adaptées au climat de demain
Tester un maximum de cultures pour étudier leur adaptabilité au contexte pédo-climatique de la Bourgogne-Franche-Comté et les possibilités de débouchés, c’est l’objectif que s’est donnée l’Alliance BFC, avec la création, en 2021, de deux plateformes expérimentales aux situations agro-climatiques différentes.
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« Le mouton à cinq pattes n’existe pas », lance Hervé Martin, responsable développement filières et nouvelles cultures de l’Alliance BFC. « On en apprend un peu plus chaque année, avec des contextes météo assez variés, mais c’est un travail de longue haleine ! »
Une trentaine d’espèces mises à l’essai
L’Alliance BFC, union des coopératives Bourgogne du Sud, Dijon Céréales et Terre Comtoise, a mis en place au printemps 2021 deux plateformes « nouvelles cultures » sur son territoire, de 1,5 ha chacune. La première située à Jours-lès-Baigneux, dans le nord-ouest de la Côte-d’Or, à 450 m d’altitude sur les plateaux argilo-calcaires à faible niveau de réserve hydrique, et la seconde à Aiserey, en plaine de Saône, avec un sol plus profond, une réserve utile plus importante mais qui subit également les à-coups climatiques. L’irrigation y est possible mais peu développée.
Une trentaine d’espèces composent le paysage de ces parcelles d’essais, en conditions réelles de production. Parmi elles : des cultures pérennes, comme les pommiers, poiriers, abricotiers ou framboisiers, des semi-pérennes avec différentes plantes aromatiques et à parfum (thym, romarin, origan, lavande, lavandin…) et une multitude d’espèces annuelles qui vont du carthame au fenugrec, en passant par le haricot rouge ou le pois chiche.
« La réflexion a démarré en 2019, avec des rotations mises en difficulté par les aléas climatiques », indique Frédéric Imbert, directeur R&D de l’Alliance BFC. La sole de colza a dégringolé à 91 540 ha en Bourgogne-Franche-Comté lors de la campagne 2019-20, soit une perte de 100 000 ha par rapport à la période 2013-18. En cause : les sécheresses estivales et les problématiques de gestion des insectes d’automne.
« On est parti d’une feuille blanche »
« Une étude menée en lien avec l’Inrae et l’Université de Bourgogne en 2019-20 a confirmé que les aléas climatiques allaient être de plus en plus présents et grandissants. On a donc réfléchi à l’allongement des rotations, l’adaptation au sec et aux à-coups climatiques. » Pour cela, « on est parti d’une feuille blanche et on s’est inspiré de ce qui pouvait se faire ailleurs en France, et notamment dans le Sud-Est. Notre climat pourrait ressembler à celui-ci d’ici les années 2040-80. L’idée du projet : ouvrir le champ des possibles et ne pas se mettre de frein, tout en restant à l’écoute des marchés », explique Hervé Martin.
S’il est encore trop tôt pour livrer des conclusions à ce stade, « les années variées climatiquement permettent d’acquérir des références. C’est une mine d’informations très intéressante pour imaginer l’avenir ! L’objectif, en tout cas, n’est pas de venir concurrencer les productions classiques du secteur mais plutôt de proposer des pistes de diversification des rotations et des exploitations ».
Les plantes aromatiques comme le thym offrent « des rendements prometteurs, avec une bonne résistance au sec et des cycles de récolte adaptés. L’entretien de l’inter-rang est assez simple, c’est surtout l’année de la plantation qui demande de l’attention et du temps pour le désherbage du rang », souligne l’expert. « C’est le cas aussi pour le romarin et la sarriette. Il faut noter également que leur récolte se déroule en plusieurs étapes bien distinctes, avec le séchage, le battage, l’émondage et le tri ».
Manque de débouchés ou difficultés techniques
En lavande et lavandin, l’Alliance BFC observe des résultats, agronomiquement parlant, pertinents, mais « c’est le débouché qui pose question, en lien avec la forte concurrence des pays de l’Est ».
Dans le cas des légumineuses, c’est l’inverse. Si la demande en féverole, lentille ou pois chiche est là avec l’ambition du Plan protéines, les difficultés techniques ont tendance à freiner leur développement. « Pour la lentille, on teste cette année le fait de décaler le cycle, en avançant la date de semis à l’automne. C’est pour le moment intéressant, mais il faudra voir les résultats finaux », précise Hervé Martin.
Les équipes ont connu aussi des déboires techniques avec la coriandre, le carthame ou le fenugrec. Pour la cameline, elles réfléchissent à l’insérer plutôt en interculture. La problématique est assez générale pour toutes les cultures annuelles de printemps : « chaque année, on a des difficultés à avoir un bon potentiel. Il y a un vrai enjeu autour de la couverture des sols, la gestion de l’eau et de la matière organique, qu’on essaie de travailler pour maintenir des productions estivales dans nos milieux ».
Une attente locale
L’Alliance s’intéresse aussi à l’agroforesterie, avec l’implantation de paulownias, tilleuls, noyers et noisetiers, ainsi qu’aux cultures fourragères pour renforcer l’autonomie alimentaire des exploitations. Environ 60 % des fermes du secteur de l’Alliance BFC sont en polyculture-élevage.
« Sur la parcelle d’Aiserey, la silphie a montré une bonne résistance à la sécheresse, même si elle a tout de même besoin d’eau. Sa qualité alimentaire n’est pas exceptionnelle, mais c’est une espèce complémentaire intéressante (récolte à la mi-juin). Quant au mûrier blanc, la coupe a été trop importante la première année, on est donc en attente de voir comment les plants vont reprendre. »
La première récolte d’abricots réalisée l’an dernier soulève la question de la gestion de la main-d’œuvre, avec des chantiers qui s’étalent sur plus d’un mois, entre le 15 juin et la fin juillet environ. La problématique est similaire pour les pommiers, mais la plateforme porte déjà ses fruits. L’Alliance BFC a reçu une demande d’un industriel, qui souhaite relocaliser une partie de leurs approvisionnements pour la production de jus. Aujourd’hui, la plupart de leurs pommes proviennent d’Espagne ou de Pologne.
Le projet pourrait exiger 400 à 500 ha de pommiers sur la région. Il reste toutefois plusieurs questions à étudier, dont les investissements nécessaires. « Pour ces arbres fruitiers, il faut compter environ 40 000 €/ha de mise de départ. À noter aussi qu’un pommier a besoin de 1 000 à 1 200 mm/an. Si ce n’est pas le cas une année, comment assurer la résilience de notre zone de production ? », soulève Hervé Martin. Des essais plus importants devraient être mis en place, d’abord sur 1 ha puis sur deux parcelles de 15 ha, pour approfondir le sujet et voir si cette filière peut se concrétiser.
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